Autoportraits arlésiens

Vincent arrive à Arles le 22 février 1888.
Dans une lettre à sa soeur Wil (Wilhemina) écrite en juin 1888, Vincent compare ses deux derniers autoportraits : le dernier fait à Paris et le tout premier d'Arles.
"Un visage gris-rose et des yeux verts, des cheveux couleur de cendre, un front ridé, et autour de la bouche, raide et comme en bois, une barbe très rouge, un peu en pagaye, et triste ; mais les lèvres sont pleines ; un sarrau de toile grossière, et une palette avec du jaune citron, du vermillon, du vert Véronèse, enfin toutes les couleurs sur la palette excepté l'orangé de la barbe, rien que des couleurs pures.
0n cherche une ressemblance plus profonde que celle du photographe.
Pour l'instant je suis tout différent, n'ayant plus ni cheveux, ni barbe, l'un et l'autre constamment coupé ras. En outre du gris vert rose, mon visage est passé au gris orangé, et je porte un vêtement blanc, et je suis toujours couvert de poussière, chargé comme un porc-épic, hérissé de bâtons, chevalet, toile, et autre fourniment. Seuls les yeux sont restés les mêmes, mais une autre couleur intervient dans le portrait, celle d'un chapeau de paille jaune comme en portent chez nous les frontaliers ; enfin une petite pipe très noire".

Le premier portrait d'Arles, peint à son retour des Saintes-Maries de la Mer où il a passé une semaine très agréable au bord de la Méditerranée qu'il a vu enfin..., le montre détendu, serein, presque souriant.
Période heureuse où il jouit du soleil "comme une cigale", où il travaille "comme une machine à peindre" et où "la vie est quelque chose de plus heureux qu'en maint autre lieu de la terre". Il ajoute : "Mon Dieu, si à vingt ans j'eusses connu ce pays au lieu de venir à trente-cinq !"

 
Juin 88 : Il peint un Zouave "horriblement dur, et pourtant je voudrais travailler à des portraits vulgaires et même criards comme cela".

Fin juillet 88
Il se sent « peintre de portraits » et défend avec énergie les portraitistes.
"La peinture de l'humanité, par le simple moyen du portrait. Cela d'abord et avant tout".

Will 5, début aôut 88
"Je cherche toujours la même chose, un portrait, un paysage, un paysage et un portrait".

517 3 aôut 88 2
"Je me sens toujours de la confiance en faisant des portraits, me permet de cultiver ce que j'ai de mieux et de plus sérieux".

531 3 septembre 1888
"Ah le portrait, le portrait avec la pensée, l'âme du modèle, cela me paraît tellement devoir venir".

Le 17 septembre 1888, Vincent annonce à Theo qu'il a fait un nouveau portrait de lui-même "comme étude où j'ai l'air d'un japonais", (...) un portrait d'après moi-même à défaut de modèle, car j'arrive à pouvoir peindre a coloration de ma propre tête (...) ; Un "portrait de moi où j'ai un peu obliqué les yeux à la japonaise".

Dans une lettre à Gauguin, en octobre :
J'ai un portrait de moi tout cendré. J'avais cherché le caractère d'un bonze simple adorateur de bouddha éternel.

Dans une nouvelle lettre à Theo :
Mon portrait que j'envoie à Gauguin se tient à côté, j'en suis sûr, j'ai écrit à Gauguin que s'il m'était permis à moi aussi d'agrandir ma personnalité dans un portrait, j'avais conçu comme celui d'un bonze, simple adorateur de Bouddha éternel. Le mien est aussi grave mais moins désespéré.


Nouvel autoportrait en novembre :
"J'ai toujours espoir que dans le portrait il nous attend encore une belle révolution".
Si dans les deux précédents, Vincent semble détendu, serein, dans celui-ci Vincent est tendu, angoissé.
Depuis quelques semaines que Gauguin est là ; leurs relations se sont détériorées au point que la "discussion entre eux est d'une électricité excessive, nous en sortons parfois la tête fatiguée comme une batterie électrique après la décharge".
Janvier 1889
Le 23 décembre, après une ultime engueulade avec Gauguin qui a décidé de partir, Vincent a une grave crise où il se mutile d'un un bout du lobe de l'oreille.
Après son hospitalisation, Vincent peint ces deux autoportraits à l'oreille bandée.

 

Autoportraits de Saint Rémy

Le 3 mai 1889, il s'installe à l'hospice de Mausole de Saint Rémy. Il y réalise duex autoportrais qua dans une lettre à Theo, il compare.

Août 1889
"Ainsi je travaille à deux portraits de moi dans ce moment - faute d'autre modèle - parce qu'il est plus que temps que je fasse de la figure. L'un je l'ai commencé le premier jour que je me suis levé, j'étais maigre, pâle comme un diable. C'est bleu-violet foncé et la tête blanchâtre avec des cheveux jaunes, donc un effet de couleur;
Mais depuis j'en ai recommencé un de trois-quarts sur fond clair;
Aussi tu verras ceci quand tu mettras le portrait sur fond clair que je viens de terminer, à côté de ceux que j'ai fait de moi à Paris, alors qu'à présent j'ai l'air plus sain qu'alors et même beaucoup.
(...) car je sens bien qu'on ne peut pas dire "je sais faire un portrait" sans dire un mensonge, parce que cela est infini.
(...) La volonté que j'ai de faire du portrait de ces jours-ci est terriblement tendue".

Septembre.
"(...) Je t'envoie mon portrait à moi. Tu verras j'espère que ma physionomie s'est bien calmée, quoique le regard soit vague davantage qu'auparavant à ce qu'il me paraît. J'en ai un autre qui est un essai de lorsque j'étais malade, mais celui-ci je crois te plaira mieux et j'ai cherché à faire simple".


à Wil, en octobre 1889
"Je trouve toujours les photographies affreuses, moi et je n'aime pas à en avoir, surtout pas des gens que je connais et que j'aime.
Ces portraits-là sont d'abord fanés plus vite que nous-même tandis que durant bien des générations le portrait peint reste. Un portrait peint d'ailleurs est une chose sentie faite avec amour ou respect de l'être représenté".


Dans une lettre à sa mère :
"Au portrait de moi que je joins (celui sur fond vert), vous verrez que bien que j'ai vu Paris, Londres et tant d'autres grandes villes et cela pendant des années, je suis tout de même resté un peu comme un paysan de Zundert (...) je me figure parfois que je sens, que je pense comme eux, à cette différence près que les paysans sont d'une plus grande utilité dans le monde".

A sa soeur Wil :
"A Paris j'espère faire quelques portraits ; j'ai toujours eu la croyance que par les portraits on apprend à réfléchir.. Ce n'est pas ce qui plait le plus aux amateurs, mais un portrait est quelque chose de presque utile et parfois agréable; comme les meubles qu'on connaît cela rappelle des souvenirs longtemps".

 

Son dernier autoportrait est peint à Saint Rémy avant son départ, le 20 mai 1890, pour Paris où il ne reste quelques jours avant de rejoindre Auvers sur Oise.
Le 3 juin, évoquant ce tableau, il écrit : "Cela est dans le même sentiment que le portrait de moi, que j'ai pris lorsque je suis parti pour ici.

A Wil 22, le 5 juin
Ce qui me passionne le plus, beaucoup davantage que le reste dans mon métier, c'est le portrait, le portrait moderne. Je le cherche par la couleur. Je ne suis pas seul à le chercher dans cette voie. Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions. Donc je ne cherche pas à faire cela par la ressemblance photographique mais par nos expressions passionnées, employant comme moyen d'expression et d'exaltation du caractère notre science et goût moderne de la couleur.
Mon portrait à moi est presque aussi ainsi, le bleu est un bleu fin du Midi et le vêtement est en lilas clair.